Milieux bocagers
Le bocage est un paysage agraire constitué d’une mosaïque de prairies et de cultures délimitées par un réseau de haies et de bosquets plus ou moins dense. Bois, zones humides, bandes enherbées et chemins complètent ce maillage façonné par et pour l’activité agricole. Les haies structurent le bocage: elles peuvent être hautes ou basses, larges ou étroites, continues ou discontinues, composées d’espèces buissonnantes, d’arbustes, de cépées, de trognes, d’arbres de haut jet, d’herbes, de mousses… La richesse écologique des bocages varie selon l’âge des haies, leur morphologie (strates, largeur) et la diversité des essences d’arbres et d’arbustes.
Caractéristiques de l’Europe occidentale, les paysages bocagers ont fortement régressé depuis 1950. Après guerre, la conversion de nombreuses terres agricoles en grandes cultures a favorisé la mise en place de structures foncières adaptées à la mécanisation (remembrements et suppression des obstacles comme les haies, bosquets et mares). En parallèle, l’élevage extensif a progressivement disparu et de nombreuses prairies ont été retournées. Les bocages, caractéristiques d’un modèle agricole « agroforestier » (association de culture, d’élevage et de production de bois), continuent de disparaître, mais restent bien représentés en Nouvelle-Aquitaine.
Où en Nouvelle-Aquitaine ?
Plusieurs secteurs bocagers se distinguent sur le territoire régional :
Les bocages du Poitou recouvrent principalement le département des Deux-Sèvres, au sud-est du massif armoricain. Ils regroupent plusieurs zones:
- Le bocage bressuirais et celui de la Gâtine de Parthenay abritent de très nombreuses haies dominées par les chênes, entourant des champs aux formes souvent irrégulières et des vergers. Ces bocages sont caractérisés par un réseau hydrographique dense (sources, cours d’eau, mares).
- Un peu plus au nord, sur les Contreforts de Gâtine, le maillage de haies est moins serré, quelquefois très bas et rectiligne.
- La bande bocagère de la plaine de Niort, étroite et longue d’une trentaine de kilomètres, est constituée de haies composites avec de nombreux ormeaux en mauvaise santé à cause de la Graphiose de l’orme.
- Le bocage « Entre-Plaine-et-Gâtine » est composé de multiples types de haies (haies multistrates, haies basses taillées…), prolongées par les terres rouges avec une forte présence de châtaigniers et de chênes. Beaucoup de murets de pierres sèches bornent certaines parcelles, en particulier sur les communes de Bougon et Exoudun. Les terres froides (sud-est du département de la Vienne et nord-est de celui de la Charente) font la transition avec le bocage limousin. Le réseau de haies y est plus ou moins continu, souvent dense, dominé par les chênes et les châtaigniers. Sur sol humide, les aulnes et les saules sont également très présents.
Le bocage limousin est situé sur la Marche et les bas-plateaux limousins. Il forme un large croissant au nord des départements de la Haute-Vienne et de la Creuse (Basse Marche, Bas-Berry, Combraille). Cette partie nord est plus dense, le maillage de haies étant régulier et ponctué de bosquets. A l’ouest et à l’est, le paysage est plus ouvert avec des arbres isolés ou regroupés en petits bosquets. Le bocage limousin est dominé par les chênes, frênes et châtaigniers, accompagnés de noisetiers, prunelliers et aubépines.
Le bocage basque est composé d’un réseau de haies étroites, principalement situées en terrain humide (peupliers et saules) dans les fonds de vallées ou à mi-pente (hêtres, frênes, chênes). Les haies étaient historiquement utilisées pour protéger les prairies de fauche des troupeaux et pour délimiter les prairies individuelles dans un territoire où pâturages, estives et alpages étaient généralement collectifs.
Le bocage des terres de Chalosse, situé sur les coteaux entre Adour et Gave de Pau, au sud de Dax et Mont-de-Marsan, a fortement reculé à cause du développement de la maïsiculture et des remembrements associés.
Les bocages humides des basses-vallées de Garonne, de Dordogne et de l’Isle se sont en partie maintenus. En revanche les bocages des vallées de la Lède, du Dropt et de la Lémance ont un caractère très relictuel.
Habitats et espèces
Les haies favorisent une importante diversité biologique grâce aux microclimats qu’elles engendrent (zones d’ombre, de lumière, d’humidité…). Elles représentent des lieux de vie et de passage pour de nombreuses espèces (terriers de lapins dans les talus, nids d’oiseaux, cavités dans les arbres têtards et les arbres morts qui servent de gîte aux espèces arboricoles, talus pour les reptiles) et des réservoirs de nourriture.
Les haies sont au service de la continuité écologique. Une haie reliant deux boisements peut par exemple jouer le rôle de corridor écologique pour la petite faune : batraciens, lézards, petits mammifères, invertébrés…
La structure du bocage, à travers les différentes entités biologiques qui le composent (haies, ourlets, mares, fossés,…) et ses effets lisière, sont des éléments déterminants pour la faune et la flore. La biodiversité des bocages est une combinaison d’espèces forestières, d’espèces des milieux ouverts et d’espèces aquatiques. De nombreux oiseaux (Tourterelle des bois, Huppe fasciée, Bruant jaune, Fauvette grisette), mammifères (Grand Rhinolophe, Hérisson, Belette, Lapin de garenne), reptiles (Vipère aspic, Orvet fragile), amphibiens (Sonneur à ventre jaune) et insectes (Pique-prune, Grand capricorne, Gazé, Grand Paon de nuit) sont associés aux bocages. Les prédateurs jouent également un rôle d’auxiliaire à l’agriculture en régulant certains ravageurs (rongeurs, larves de certains insectes…).
Les haies et leurs ourlets herbeux jouent un rôle important dans la régulation hydraulique et la fixation des sols en contrôlant le ruissellement, en favorisant l’infiltration de l’eau vers les nappes phréatiques, en absorbant les excédents d’eau en période de crue et en limitant l’évaporation en période de sécheresse. Les haies contribuent aussi à l’épuration de l’eau en stockant et en recyclant des éléments issus des sols agricoles (engrais, pesticides…). Elles ont des fonctions brise-vent et réduisent l’érosion éolienne.
Les paysages bocagers font partie du patrimoine naturel et culturel. De nombreux arbres composant les haies sont inventoriés comme arbres remarquables.
Zoom sur
La Réserve Naturelle Régionale du bocage des Antonins
Dans les Deux-Sèvres, le bocage des Antonins est représentatif d’un bocage de Gâtine en bon état de conservation. Il est composé d’un étang, de plusieurs mares, de sources, de prairies de fauche plus ou moins humides ou de pâturage extensif, de boisements pluri-centenaires, de fourrés, d’arbres têtards… Le réseau de haies et de lisières est particulièrement dense (plus de 250 mètres à l’hectare). Plus de 1000 espèces ont été inventoriées, notamment le Pique-prune et la Littorelle à une fleur qui sont des espèces protégées.
Le bocage humide de Cadaujac et Saint-Médard-d’Eyrans
Au sud de Bordeaux, sur la rive gauche de la Garonne, ce site de 1589 ha est reconnu pour son patrimoine naturel au niveau européen (Zone Spéciale de Conservation du réseau Natura 2000). C’est un bocage composé essentiellement de prairies fauchées ou pâturées et d’un maillage dense de haies et de fossés, associés à des formations végétales de milieux humides. On y trouve des espèces protégées comme le Cuivré des marais, l’Agrion de Mercure, la Fritillaire pintade et l’Orchis à fleurs lâches. La Cistude d’Europe a aussi été observée sur ce site.
Chiffres clés
14,4% du territoire régional couvert par un bocage dense (plus de 5 ha de haies par km²) (IGN, ARBNA, 2019)
Le recul des haies et des alignements d’arbres représente une perte de 8648 hectares entre 2006 et 2014 (Agreste-Teruti-Lucas)
Un arrêté de protection de biotope pris par la Préfecture des Deux-Sèvres protège les arbres têtards du Marais poitevin.