Milieux ouverts et semi-ouverts
Les milieux ouverts et semi-ouverts sont dominés par des formations végétales basses, herbacées et/ou arbustives. Les arbres sont absents ou rares dans ces milieux, à moins d’avoir été plantés ou volontairement laissés afin de rendre des services (production fruitière, production de bois, brise-vent…). Que ce soit dans leur aspect ou leur diversité biologique, les milieux ouverts et semi-ouverts ont été très largement façonnés par les activités agricoles et pastorales, anciennes (du Néolithique au 18ème siècle environ) et récentes (révolutions agricoles du 18ème et 19ème siècles, puis dans la seconde moitié du 20ème siècle).
Les milieux ouverts et semi-ouverts de Nouvelle-Aquitaine sont extrêmement variés, autant d’un point de vue écologique que paysager:
- Les grandes plaines en culture intensive, principalement destinées à la production de céréales et d’oléoprotéagineux (colza, tournesol, pois…), correspondent à des parcelles de grande taille adaptées à la mécanisation et sont marquées par une faible diversité d’habitats. Selon les conditions climatiques et les sols, les assolements peuvent intégrer des cultures maraîchères et horticoles ou encore des prairies temporaires (labourées et semées depuis moins de 5 ans). Les infrastructures agroécologiques (haies, bosquets, mares…) sont assez rares en général, expliquant l’aspect uniforme de ces milieux. Comme les grandes cultures, les vignobles et les vergers sont dans l’ensemble des milieux perturbés par les pratiques agricoles (traitements phytosanitaires, labours, sarclage…). Néanmoins, ces milieux cultivés accueillent certaines espèces patrimoniales (Outarde canepetière et Grue cendrée dans les champs de céréales par exemple).
- Les prairies permanentes (non labourées ni semées depuis au moins 5 ans) sont potentiellement des milieux de grand intérêt écologique, présentant une importante biodiversité des sols et une flore spontanée et diversifiée. Dans la région, elles sont pour la plupart héritées de défrichements très anciens, puis ont été entretenues par la fauche et/ou le pâturage. Selon la pression de pâturage (chargement), les pratiques de fertilisation ou encore la périodicité des interventions, la diversité et la composition des cortèges d’espèces varient: des pratiques trop intensives ou inadaptées peuvent être néfastes à la biodiversité.
- Comme les prairies, les pelouses sèches et les landes de la région sont majoritairement issues de défrichements plus ou moins anciens, puis ont été entretenues par le pastoralisme. En revanche, ce sont des milieux très contraignants, pauvres en nutriments. On y rencontre des espèces spécialistes, adaptées aux conditions particulières de ces milieux, dont un certain nombre d’espèces rares et menacées. Les pelouses sèches sont des formations rases se développant sur des sols secs, pauvres et peu épais, généralement sur un coteau ou un plateau où l’ensoleillement et le vent ont des effets desséchants. Les landes, dominées par des bruyères, ajoncs, cistes ou encore genêts selon leur localisation, se forment quant à elles sur des sols pauvres et acides, sableux ou siliceux, secs à humides (voire tourbeux).
De profondes évolutions au cours des 50 dernières années ont eu des effets sur la dynamique des milieux ouverts et semi-ouverts de la région à deux niveaux. Premièrement, la forte régression de l’élevage (notamment extensif) et des cultures traditionnelles, sous l’effet de la déprise agricole, de conversions en cultures plus intensives et de plantations de forêts de production ont entraîné un recul des surfaces de prairies permanentes, de landes et de pelouses sèches au profit de milieux intensément exploités et appauvris ou de « milieux rendus à la nature » (succession dans le temps de végétations tendant vers des milieux forestiers). Ce recul a été accentué par l’artificialisation des sols. Deuxièmement, l’intensification des pratiques agricoles (notamment le drainage, l’irrigation et l’usage d’intrants chimiques) a entraîné une perte de biodiversité considérable, à la fois dans les milieux cultivés et les autres milieux interconnectés via les circulations d’eau notamment (transferts de nutriments dans les landes et les pelouses; réduction des apports d’eau dans les prairies et les landes humides…). Depuis une dizaine d’années, on note une augmentation de pratiques plus compatibles avec la préservation des milieux et des espèces.
Assez rares à l’échelle régionale, certains milieux ouverts et semi-ouverts (landes, pelouses), se maintiennent naturellement en équilibre avec les conditions environnantes (climat, sols, eau…), même s’ils ne sont pas entretenus par pâturage, fauche, etc..
Où en Nouvelle-Aquitaine ?
La Nouvelle-Aquitaine est la première région agricole de France en termes de surface, avec près de 4.650.000 hectares de milieux ouverts et semi-ouverts (cultures, terres arables, prairies, vignes et vergers, landes et pâturages), soit 54,3% de la superficie régionale (Observatoire NAFU, 2015).
Les cultures, terres arables et prairies temporaires recouvrent plus d’un tiers de la superficie régionale (Observatoire NAFU, 2015; Agreste, 2018). Ces milieux sont particulièrement présents dans les Landes, dans le territoire picto-charentais, en Lot-et-Garonne, dans l’ouest et le sud de la Dordogne, dans les vallées des Pyrénées-Atlantiques, et de façon plus diffuse dans le territoire limousin.
Les prairies permanentes représentent entre 11 et 15% de la superficie régionale (Agreste, 2018). Ces milieux se sont bien maintenus dans le territoire limousin et dans les Pyrénées-Atlantiques. En Deux-Sèvres et sur le littoral de la Charente -Maritime, des prairies permanentes subsistent en particulier dans les bocages et les marais (Marais poitevin notamment), mais elles sont localisées et parfois déconnectées.
Les vignobles et vergers représentent 3,5% de la superficie régionale (Observatoire NAFU, 2015). Les milieux associés aux vignes prédominent dans les grands bassins viticoles historiques de la région de Bordeaux et de Cognac, et dans des secteurs viticoles plus réduits: Haut-Poitou, Adour, Gaves de Pau et d’Oloron, coteaux basques. Les vergers sont quant à eux implantés dans l’ouest de la Charente et de façon diffuse en Lot-et-Garonne, en Dordogne et en Gironde.
Les landes et pelouses, représentent de très faibles surfaces (2,3% de la superficie régionale, Observatoire NAFU, 2015). Les pelouses calcicoles (coteaux et plateaux calcaires) sont principalement localisées en Dordogne (plateau d’Argentine par exemple), Charente et Charente-Maritime, ainsi que dans le nord de la Gironde, le nord et l’est du Lot-et-Garonne, le sud des Landes, le Béarn et le Pays basque. Les landes de la région ont fortement régressé depuis le 19ème siècle, à l’image des « landes de Gascogne » fortement impactées par les plantations de Pins maritimes, mais encore présentes dans certains secteurs. Des landes d’intérêt patrimonial sont aussi présentes dans le département de la Vienne (« brandes du Poitou ») et en Haute-Vienne (milieux originaux sur les affleurements de serpentine). Sur le plateau de Millevaches en Limousin et dans les Pyrénées se trouvent des pelouses et des landes aux caractéristiques particulières liées à l’altitude (landes à Rhododendron ferrugineux par exemple).
Habitats et espèces
La diversité biologique des milieux ouverts dépend des pratiques agricoles et de la présence de micro-habitats comme des arbres et des points d’eau. Globalement, l’intensification des pratiques agricoles est défavorable à la diversité floristique et fongique, affectant la faune en raison des liens d’interdépendance entre espèces (insectes pollinisateurs, papillons associés à des plantes hôtes bien précises, chauves-souris insectivores…). Plusieurs espèces voient leurs effectifs diminuer, notamment des oiseaux spécialistes des milieux agricoles (Perdrix grise, Alouette des champs…). Les espèces encore bien représentées dans ces milieux sont les plantes messicoles (Pied d’alouette, Coquelicot, Bleuet des champs…), adaptées au retournement des terres et aux intrants agricoles, et diverses espèces animales assez communes: mammifères (ex. Campagnol des champs, Chevreuil, Sérotine commune), papillons et autres insectes (ex. Demi-Deuil, Zygène du Pied-de-Poule, Carabe doré), reptiles et amphibiens (ex. Couleuvre helvétique, Grenouille rousse)…
Les plaines céréalières constituent les derniers bastions européens de plusieurs oiseaux d’origine steppique, comme l’Outarde canepetière (une des deux dernières populations françaises est en territoire picto-charentais), l’Oedicnème criard, le Busard cendré ou encore le Busard Saint-Martin, confrontés à la disparition progressive de leurs habitats naturels de prédilection (steppes, prairies, landes…). Du fait de la forte responsabilité régionale vis-à-vis de ces espèces, des programmes de préservation ont été mis en place, notamment pour protéger les nids au sol.
Parmi les autres espèces animales patrimoniales des milieux ouverts et semi-ouverts, peuvent être cités par exemple le Petit murin (vignobles enherbés et prairies), le Tarier des prés (prairies), l’Azuré de la Sanguisorbe (prairies), le Pélodyte ponctué (prairies), la Coronelle girondine (landes, pelouses), le Fadet des laîches (landes humides), la Fauvette pitchou (landes et fourrés), l’Oedipode germanique (pelouses sèches), l’Oreillard montagnard (alpages), le Lézard ocellé (divers milieux ouverts et semi-ouverts)…
Parmi les espèces végétales patrimoniales, peuvent être cités notamment la Tulipe d’Agen, la Tulipe précoce, la Tulipe de l’Ecluse (cultures, vignobles et vergers), la Fritillaire pintade, la Jacinthe de Rome, l’Orchis à fleurs lâches (prairies), la Sabline des chaumes, la Crapaudine de Guillon, l’Ophrys jaune (pelouses sèches), la Bruyère de Saint-Daboec, la Gentiane pneumonanthe, l’Avoine de Thore (landes)…
Sur le domaine de Barolle en Lot-et-Garonne, le Conservatoire végétal régional d’Aquitaine a aménagé un verger conservatoire reflétant la diversité des espèces et variétés fruitières de Nouvelle-Aquitaine (17 espèces fruitières et plus de 2000 variétés).
Le Conservatoire botanique national du Massif Central accompagne les éleveurs et les agriculteurs qui souhaitent mieux connaître la biodiversité de leurs prairies.
Les pelouses sèches font partie des milieux suivis dans le cadre du programme régional Les Sentinelles du climat, mis en place pour observer et comprendre les effets du changement climatique sur les milieux naturels.
Zoom sur
La Zone-Atelier Plaine et Val de Sèvre
Cette plaine céréalière s’étend sur 45 000 hectares au sud de Niort, autour de l’unité CNRS de Chizé. Elle est consacrée à la fois à l’exploitation agricole, à des travaux de recherche sur les relations entre biodiversité et agriculture et aux sciences citoyennes. Le site accueille de nombreuses espèces : 450 plantes sauvages dites adventices, car elles se développent dans les milieux cultivés, des coléoptères, des criquets, des reptiles, des petits mammifères et des oiseaux spécialistes des milieux ouverts qui font l’objet d’une protection particulière (Zone de Protection Spéciale Natura 2000).
Les prairies basco-béarnaises des Pyrénées-Atlantiques sont principalement dédiées à l’élevage de brebis laitières ou de vaches allaitantes, et dans une moindre mesure de vaches laitières et d’équins. Grâce au climat océanique, le pâturage est généralement possible durant l’hiver. En été, les troupeaux partent en transhumance dans les estives de haute montagne, et les prairies sont fauchées. Les prairies des coteaux pyrénéens se caractérisent par des pentes et des microreliefs qui peuvent être contraignants pour l’exploitation. La plupart des exploitations présentent des faciès de prairies différents (prairie sèche et maigre, prairie riche, prairie humide…) aux caractéristiques écologiques variables.
La Réserve Naturelle Régionale du réseau de landes atlantiques
Cette réserve de 40,9 hectares est composée de sept sites (lande des Jarosses, de Beaubreuil, de Puycheny…) répartis sur le territoire haut-viennois du Parc naturel régional Périgord-Limousin. Elle inclut 10 habitats naturels d’intérêt communautaire, parmi lesquels des landes humides atlantiques et des landes sèches sur affleurements de serpentine, une roche qui porte ce nom car elle ressemble à une peau de serpent. Le pâturage ovin et le débroussaillage de la fougère aigle, qui colonise les milieux aux dépens des espèces typiques de landes, permettent de préserver des habitats particuliers qui, sans gestion, tendent à régresser.
Chiffres clés
Évolution des surfaces en Nouvelle-Aquitaine entre 2006 et 2014 (Agreste/Teruti-Lucas):
+9,4% sols cultivés
+52% prairies temporaires
-23,6% prairies permanentes
-6,5% alpages et estives
-33.000 hectares de landes en Poitou-Charentes entre 1860 et 1885 (Poitou-Charentes Nature)
3.866 hectares de pelouses calcicoles ouvertes, soit moins de 0,05% de la surface régionale (CBNSA, 2019)