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Entretien avec Rémy Pico, Manager Transfert au LabEx COTE

Mis en place en 2016, le programme pédagogique « La biodiversité dans mon établissement scolaire » permet aux collégiens et aux lycéens d’apprendre à connaître la biodiversité locale, proche de leur établissement et de la région. En s’appuyant sur plusieurs protocoles de sciences participatives, ce dispositif est mené durant une année scolaire et s’articule autour de trois temps principaux : la formation des enseignants, la réalisation d’études par les élèves, l’organisation d’un colloque final sur le campus universitaire de Bordeaux.

 

  • Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur l’historique du programme et sa création ?
© LabEx COTE

Créé en 2016 grâce à un partenariat entre le Rectorat de Bordeaux, le LabEx COTE et l’ARB, le programme s’appelait « Biodiversité dans mon lycée ». Renommé « Biodiversité dans mon établissement » l’année suivante afin d’inclure les collèges au dispositif, il compte aussi parmi ses partenaires l’Université de Bordeaux et son service Culture. La Maison pour les sciences en Aquitaine a rejoint l’aventure la même année, en participant plus particulièrement à la formation des enseignants. Le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, via le Service Biodiversité de la direction de l’Environnement, apporte un soutien financier (subvention annuelle) depuis 2019.

Des étudiants de l’Université de Bordeaux interviennent à différents moments du projet. Le Master Médiation des sciences participe à un projet tutoré et construit une visite du Campus sur le thème de la biodiversité. Des étudiants en master Écologie animent cette visite auprès des élèves qui participent au colloque final de présentation des différents projets menés dans les établissements scolaires au cours de l’année.

 

NB : le LabEx COTE a cessé d’exister en 2020. L’Université de Bordeaux assure la continuité en portant le programme.

 

  • Combien d’établissements scolaires ont participé au programme depuis son lancement ?

Entre 300 et 400 élèves se sont impliqués dans le projet chaque année, ce qui représente un peu plus d’un millier d’élèves sur les 5 années de vie du programme. Les niveaux représentés vont de la 6ème à la 2nde. Parmi la quarantaine d’établissements inscrits (collèges et lycées, enseignements général et technologique confondus), certains ont réitéré l’expérience d’une année sur l’autre, avec des enseignants très impliqués. En 2020-2021, 16 établissements se sont inscrits en début d’année, avec 1 classe par établissement.
750 élèves ont fait le déplacement pour participer au colloque final, entre 2017 et 2019. Pour des questions de logistique, la Gironde est nettement représentée, car il est plus aisé de se rendre sur le Campus et d’organiser des déplacements de chercheurs. Les autres départements, comme le Lot-et-Garonne (Agen), les Landes (Mont-de-Marsan), les Pyrénées Atlantiques (Pau, Pays Basque), ont également des établissements qui participent au programme.

Entre 2019 et 2021, le dispositif et les établissements ont rencontré de nombreuses difficultés liées à la crise sanitaire et à la réforme des lycées. Des enseignants n’ont pu mener les projets à bien et ont retiré leur candidature au cours de l’année. Le colloque n’a pas pu avoir lieu sur ces deux sessions pour cause de consignes très strictes sur le Campus.

 

  • Quelles évolutions le programme a-t-il connu au cours des années ?

Nous avons gardé le même découpage depuis le lancement du programme car cela fonctionne bien. Le changement le plus significatif concerne la formation des enseignants. En termes de partenaires, la Région Nouvelle-Aquitaine finance le programme depuis 2019, avec la condition d’inclure les académies de Poitiers et Limoges à terme.

Sur les dernières années, nous avons invité les élèves à réaliser une vidéo présentant ce qu’ils allaient faire au cours de l’année. Visant à impliquer les élèves dans le projet dès le début, ce support a suscité une adhésion d’un grand nombre d’élèves et les montages réalisés étaient de bonne qualité. Certaines vidéos ont été faites sur le ton de l’humour ou sous forme de film (avec la construction d’un scénario).

Pour les éditions de 2020 et 2021, nous avions envisagé d’organiser le colloque en visio et avons demandé aux enseignants de rédiger un rapport présentant le projet mené au cours de l’année. Certains ont pu le faire mais non sans difficulté. D’autres ont mené un projet de leur côté, en se sortant du programme. L’objectif principal du colloque étant de faire découvrir un campus universitaire aux élèves, de le faire rencontrer des chercheurs, une organisation à distance fait que ce moment important de rencontre perd tout son intérêt.

 

  • Quelles évolutions a connu la formation des enseignants ?

Organisée sur deux journées à l’Université de Bordeaux (novembre, février-mars), elle se découpe en trois temps forts : présentation du monde de la recherche, test d’un protocole de sciences participatives, mise en situation à l’oral.

Des chercheurs viennent présenter aux enseignants inscrits au programme le monde de fonctionnement de la recherche et les travaux qu’ils mènent. Ils les accompagnent aussi sur la manière de mener un protocole, présenter les résultats, rédiger un rapport, faire une restitution écrite et orale du travail réalisé.
Un comédien intervient sur la prise de parole et aide les enseignants dans la perspective du colloque final. Il leur propose des mises en situation afin qu’ils appréhendent au mieux les différents aspects de cet exercice oral (présentation, comportement, etc.).
Nous proposons également des activités, généralement un protocole « Vigie-Nature école » que les enseignants testent sur le Campus. Ils se rendent ainsi compte de la manière dont il fonctionne, du type de données qu’il demande de récolter, d’observer. En se mettant à la place des élèves, ils peuvent les accompagner le plus efficacement possible lors de la réalisation du projet par la classe. Par exemple, en novembre 2021, les enseignants ont travaillé sur le protocole des lichens. Placé à côté d’un arbre, chaque participant notait les espèces de lichen présentes le long d’un transect tracé sur le tronc.

 

  • Quelle est la contribution des scientifiques au programme ?

Les chercheurs contribuent à différents moments du programme : journée de formation des enseignants, intervention dans les classes. Cela dépend de la demande des enseignants, du projet qu’ils souhaitent mettre en place (chiroptères, …).

Reçus dans les classes, les chercheurs parlent de leurs travaux, accompagnent les élèves dans la construction du projet, leur donnent des pistes de réflexion. Les chercheurs accueillent cette démarche très positivement et n’hésitent pas à aller au contact des élèves pour discuter avec eux. Malgré la crise sanitaire qui nous a poussés à annuler de nombreuses choses, des chercheurs ont quand même pu se déplacer en 2020 et 2021.

Bastien Castagnérol, chercheur à l’INRAe, a été associé au programme à plusieurs reprises, plus particulièrement pour la formation des enseignants. Il mène un projet de sciences participatives sur les chenilles avec des classes européennes, dont celles qui sont engagées dans le programme « Biodiversité dans mon établissement ». Cela lui permet d’acquérir de nouvelles données françaises chaque année et les classes font réellement de la science participative en contribuant à un programme de recherche. Le protocole sert à quantifier la prédation sur les chenilles. Au plus le proxy est attaqué, au plus il y a d’espèces d’oiseaux sur place. A l’échelle européenne, l’idée est de voir s’il y a des différences suivant la latitude (depuis la Scandinavie jusqu’à l’Espagne) et avec quoi il est possible de corréler ces différences de prédation et de présence d’oiseaux.
Frédéric Barraquand (Institut de Mathématiques de Bordeaux) est aussi intervenu sur la session de formation des enseignants.

Des chercheurs peuvent aussi être invités à participer au colloque final et exposer une partie de leurs travaux. Des doctorants présentent leur thèse, sur le même format que « Ma thèse en 180 secondes ».

 

  • Pouvez-vous nous parler de l’accompagnement dont bénéficient les élèves pour présenter leur projet lors du colloque final ?
© LabEx COTE

Renaud Borderie, comédien, intervient lors de la journée de formation des enseignants et les conseillent. Cette approche est importante et répond à un besoin identifié par les enseignants qui estiment n’être formés qu’en théorie sur la prise de parole. « La pratique, la mise en scène, la manière de parler aux élèves est quelque chose qu’on a appris sur le tas ».

Dans un second temps, les enseignants peuvent recevoir Renaud dans leur classe pour qu’il interagisse avec les élèves. Afin de dédiaboliser la prise de parole, il leur fait faire des exercices et les met en situation. Les élèves de collège ou de lycée rencontrent généralement des difficultés pour prendre la parole en public. Le faire devant une classe peut être compliqué et le faire devant un public nombreux, dans un amphithéâtre qu’ils ne connaissent pas et devant un pupitre complexifie encore plus la situation. Grâce au travail réalisé par Renaud, la prise de parole devient plus aisée au moment du colloque. Cette intervention permet également aux élèves de proposer des formats de présentation variés et différents des restitutions dites « classiques ». Certaines classes ont restitué leur projet sous forme de pièce de théâtre.

 

  • Pourriez-vous donner quelques exemples de projets portés par les classes ?

Nous guidons les enseignants vers les protocoles « Vigie-Nature école » et le projet emblématique que nous essayons de suivre est celui de Bastien Castagnérol avec les chenilles.
Le protocole « escargots » a été repris à de nombreuses reprises. Il s’agit de mettre une planche en bois dans la cour, sur de l’herbe et de la surélever avec un petit rocher. Au bout d’un mois, les élèves retournent la planche et observent la quantité d’escargots présents et leur diversité. Ils identifient les espèces grâce à un guide.
Un « carré pour la biodiversité » a aussi été utilisé par plusieurs classes. Il suffit de laisser en friche un carré d’1m de côté. Les élèves observent les espèces présentes (notamment papillons, autres insectes) au temps tO (délimitation de la zone) puis lorsque la friche s’est mise en place.

Au regard du nombre de classes impliquées dans le programme, peu de sorties ont été réalisées depuis 2017. Elles se font généralement sur des sites comme les réserves naturelles, avec des visites prises en charge par des guides naturalistes, et sont en lien avec le projet mené dans la classe.
Tout comme le colloque final, aucune sortie n’a pu être organisée en 2020 et 2021.

 

  • L’un des objectifs du programme est d’amener les élèves à faire des préconisations à leur établissement pour mettre en œuvre des actions favorables à la biodiversité. Auriez-vous des exemples à nous présenter ?

Nous n’avons pas eu de retours à ce propos car c’est une étape qui est assez compliquée à mettre en place. Nous savons, néanmoins, qu’un établissement a créé un groupe d’élèves dédié à la biodiversité.
Un frein identifié et que nous pourrions améliorer est le niveau de participation du personnel au sein de l’établissement, notamment en termes de nombre de personnes et/ou services. Le projet est en général à l’initiative d’un enseignant ou d’un regroupement d’enseignants, qui n’est pas forcément soutenu par le directeur d’établissement. Le projet se réalise mais il est difficile d’aller plus loin lorsque l’équipe pédagogique n’apporte pas d’appui ou que la direction n’est pas volontaire pour lancer des actions concrètes par la suite. Cela ne remet pas en cause la qualité du travail réalisé par les élèves mais il manque cet échelon pour aller plus loin.

 

  • Est-ce un programme qui est toujours actif et proposé aux établissements ?

Le Rectorat se charge de la communication auprès des établissements et une enseignante-référente (enseignante au collège de Mios, en SVT) fait le lien entre l’équipe projet et les enseignants engagés. Au chaque mois de juin, l’institution invite l’ensemble des enseignants déjà participants à réintégrer le programme l’année suivante. Nous apprécions lorsqu’ils reviennent d’une année sur l’autre, mais il y a très peu de candidats qui le font. Généralement, ceux qui reviennent aiment bien mettre en place de nouveaux protocoles, tester des choses différentes. De plus, comme ils ne travaillent pas forcément avec les mêmes élèves d’une année sur l’autre, c’est compliqué de faire un suivi.
Une nouvelle session a été ouverte pour l’année 2021-2022 et il n’y a pas de raison qu’elle n’aille pas jusqu’au bout. La Région souhaite réellement pérenniser cette action. Une journée de formation à destination des enseignants s’est tenue en novembre 2021.

 

 

  • Quelles sont vos principales satisfactions liées à ce projet ?

A titre personnel, la principale satisfaction est que nous avons réussi à mettre en place des choses sur les deux dernières années malgré les difficultés rencontrées en 2020 et 2021.
D’une manière générale, il est enthousiasmant de constater qu’il y a toujours des enseignants intéressés par le programme et la biodiversité, qu’ils ont envie de le transmettre à leurs élèves. Tous les ans, entre 12 et 15 établissements participent au projet, avec de nouveaux enseignants volontaires qui s’ajoutent d’une année sur l’autre. Il y a également des élèves qui sont très impliqués sur ces thématiques, qui se prennent au jeu et réalisent du travail de qualité.
C’est satisfaisant de voir cette synergie entre élèves et enseignants sur cette thématique et voir que le sujet ne s’essouffle pas.

 

  • Quel message ou conseil souhaiteriez-vous partager aux autres acteurs de la région (thématique, types de publics/institutions, méthodologie, etc.) ?

Au niveau des établissements, c’est bien d’avoir les enseignants et d’impliquer les directions parce que cela permet de mettre en place des actions concrètes, d’aller au-delà du projet mené sur l’année.
Ce que je trouve très intéressant dans notre projet est le lien créé entre les chercheurs, l’Université avec les établissements scolaires. L’interaction entre les chercheurs et les élèves est pertinente car ils mettent un pied dans le monde de la recherche scientifique, ce qui peut faire naître des vocations.
Essayer d’impliquer toute la chaîne d’acteurs, comme les associations, est aussi important et nous essayons de le faire avec la Région afin d’accompagner les enseignants dans ce projet.

 

 

PRÉSENTATION DES MISSIONS DU LABEX COTE

Le LabEx COTE réunissait des chercheurs en biologie, physique, chimie et sciences socio-économiques, pour comprendre et prévoir les réponses des écosystèmes aux changements induits par l’homme et pour fournir des outils et des méthodes de régulation ou de conduite de leur évolution. Il avait pour objectifs d’élaborer des outils permettant de comprendre et prédire l’évolution des écosystèmes et de développer des méthodes de gestion adaptative et de gouvernance pour assurer leur durabilité.

L’ambition de COTE était de développer des projets de recherches couplant l’ensemble des facteurs responsables de l’évolution des écosystèmes, quel que soit l’impact de l’homme sur leur fonctionnement en s’appuyant sur un réseau expérimental de suivi et de monitoring des écosystèmes concernés (littoral, estuaire, forêts de plaine et de montagne, milieux naturels, vignes, grandes cultures).

 

 

Pour aller plus loin :

Si vous le souhaitez, vous pouvez à votre tour faire connaître une ou des initiatives en téléchargeant la note explicative et en envoyant votre proposition par mail. L’agence étudiera les textes au regard de critères d’éligibilité et vous accompagnera dans leur finalisation.